vendredi 19 décembre 2014

La Passion selon Juette, de Clara Dupond-Monod

Date de parution : 2007 (version livre de poche : 2009)
Nombre de pages : 176
Genre : roman historique




 
Quatrième de couverture

Juette est née en 1158 à Huy, une petite ville de l'actuelle Belgique. Cette enfant solitaire et rêveuse se marie à treize ans dans la demeure de ses riches parents. Elle est veuve cinq ans plus tard. Juette est une femme qui dit non. Non au mariage. Non aux hommes avides. Non au clergé corrompu. Violente et lucide sur la société de son temps, elle défend la liberté de croire, mais aussi celle de vivre à sa guise. Elle n'a qu'un ami et confident, Hugues de Floreffe, un prêtre : à quelles extrémités arrivera-t-elle pour se perdre et se sauver ? Car l’Église n'aime pas les âmes fortes... De ce Moyen Âge traversé de courants mystiques et d'anges guerriers, qui voit naître les premières hérésies cathares, Clara Dupont-Monod a gardé ici une figure singulière de sainte laïque. Elle fait entendre enfin la voix de Juette l'insoumise. Peut-être l'une des premières féministes.

Mon avis

Cette histoire s'inspire de la vie réelle d'une jeune fille prénommée Juette, racontée par son ami Hugues de Floreffe dans un document qui a été retrouvé intact. Cependant, il s'agit d'une fiction basée sur des faits réels, et non pas la véritable histoire de Juette. Si on regarde bien, on peut même y déceler quelques petits anachronismes, apparemment assumés par l'auteure (d'après une interview vue sur Internet), qui ne dérangent pas vraiment la lecture, mais qui enlèvent un peu de crédibilité à l'histoire.

L'auteure a également pris quelques libertés par rapport à la véritable histoire de Juette. Certains de ses choix m'ont d'ailleurs gênée, peut-être parce que je connaissais déjà l'histoire de Juette de Huy racontée par l'historien George Dubuy dans « Dames du XIIe siècle ». 
La Juette du roman est, je pense, trop dure et sans doute loin de la véritable Juette, celle dont parle le prêtre Hugues de Floreffe. On a du mal à s'attacher à elle, je me suis plus facilement attachée à son ami Hugues, dont la voix fait écho à celle de Juette tout au long du roman.
Elle dénonce avec violence certaines pratiques de son époque, elle s'oppose au clergé, à son père qui veut la remarier après la mort de son mari. Elle n'a pas froid aux yeux, elle se bat pour aider les plus faibles (les lépreux et les femmes dans le roman), mais je ne pense pas qu'elle puisse vraiment être qualifiée de « féministe » : elle se bat pour un monde plus juste, et même si elle tient des propos « féministes » (notamment en ce qui concerne le mariage forcé des très jeunes filles), elle se bat avant tout pour elle-même. Elle veut vivre sa foi comme elle l'entend, elle ne veut pas de clergé entre elle et Dieu ; elle veut pouvoir disposer de son corps et ne plus être soumise à aucun autre mari. Ses « visions » font rapidement d'elle une jeune femme mystique dérangeante mais intouchable par l’Église (bien que cela ne soit pas tout à fait le cas dans le roman).

D'après ce que l'on sait, Juette de Huy a eu trois enfants, dont un enfant mort en bas âge, et deux fils, sur lesquels, en mère aimante et protectrice, elle a toujours veillé, même après son entrée dans l'ordre des béguines (l'ordre des veuves). La Juette de ce roman a un seul fils (après avoir mis au monde un enfant mort-né). Elle est tellement radicale dans sa haine des hommes qu'elle le renie et le déteste tout autant que son mari avant même qu'il soit né. Je n'en dis pas trop au cas où certains voudraient lire le livre, mais je trouve que la Juette de Clara Dupont-Monod est un peu trop haineuse, violente et bornée.
Il y a d'autres décalages entre le roman et l'histoire que l'on connait de la véritable Juette, que je ne citerai pas ici pour ne pas trop en dire sur l'histoire du roman.

Pour ce qui est de la qualité littéraire, Clara Dupont-Monod a une très belle écriture, élégante et pure. Cependant, le style du roman, avec ses nombreuses petites phrases cinglantes, met une certaine distance entre le lecteur et les deux personnages narrateurs (Juette et Hugues). C'est du moins mon ressenti personnel. 

En conclusion, un agréable roman, bien écrit, mais qui ne m'a pas particulièrement touchée.

dimanche 7 décembre 2014

Charlotte, de David Foenkinos

Date de parution : mai 2014
Nombre de pages : 220
Genre : roman

Quatrième de couverture

Ce roman retrace la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre morte à vingt-six ans alors qu'elle était enceinte. Après une enfance à Berlin marquée par une tragédie familiale, Charlotte est exclue progressivement par les nazis de toutes les sphères de la société allemande. Elle vit une passion amoureuse fondatrice, avant de devoir tout quitter pour se réfugier en France. Exilée, elle entreprend la composition d'une œuvre picturale autobiographique d'une modernité fascinante. Se sachant en danger, elle confie ses dessins à son médecin en lui disant : "C'est toute ma vie". Portrait saisissant d'une femme exceptionnelle, évocation d'un destin tragique, Charlotte est aussi le récit d'une quête. Celle d'un écrivain hanté par une artiste, et qui part à sa recherche.

Mon avis

Je n'avais jamais lu cet auteur car ses romans ne m'ont jamais attirée. À vrai dire, « Charlotte » ne m'attirait pas plus que les autres, mais étant donné la médiatisation du roman, et puisque je participe à un challenge « Prix littéraires », je me suis dit « pourquoi ne pas découvrir ce dont tout le monde parle, histoire de me faire ma propre opinion ». Et puis... même si les prix littéraires n'influencent jamais mes choix de lecture, un livre qui a reçu 2 prix littéraires ne peut quand même pas être mauvais. C'est du moins ce que je me suis dit en achetant « Charlotte ». 
Au début, j'ai été agréablement surprise par la forme originale du roman, une sorte de long chant écrit en vers libres. Voilà une lecture qui allait changer de ce que j'avais lu ces derniers mois. Mais ce n'est pas poétique. Et le style... si l'on peut parler de style... est agaçant à la longue. Une succession de phrases courtes, parmi lesquelles beaucoup sont inutiles. 
L'auteur va à la ligne à chaque phrase... coûte que coûte. Et il triche, même :  il va jusqu'à couper des phrases longues en deux, pour en faire deux pauvres petites phrases amputées et bancales, comme ce qui suit, par exemple :
« Elle devrait aussi remercier son pays, pense Charlotte.
  Qui, humiliée, observe la mascarade. »
Plus on avance la lecture, plus on se dit que ce style devient ridicule dans ce roman. Du moins, c’est mon avis, mais il le dit un peu lui-même, il l'a choisi par facilité :

« Je n’arrivais pas à écrire deux phrases de suite.
Je me sentais à l’arrêt à chaque point.
Impossible d’avancer.
C’était une sensation physique, une oppression.
J’éprouvais la nécessité d’aller à la ligne pour respirer.
Alors, j’ai compris qu’il fallait l’écrire ainsi. » 


Pour respirer, il respire. L'écriture est saccadée, et au fil des pages, ça devient pénible à lire. Et, surtout, choisir une forme originale permet (un peu) de faire oublier au lecteur la pauvreté du fond. De plus, c'est un style vraiment pratique : on ne s'emmêle pas dans de grandes phrases et on donne l'impression d'avoir écrit un roman plus volumineux alors qu'en fait... On n'a pas écrit grand-chose. 
Forcément. 
Quand on n'écrit pas plus de douze petits mots par phrase. 
Et que chaque phrase ne fait jamais plus d'une ligne. 
Et qu'en plus on saute souvent des lignes.
Et qu'on divise un tout petit roman en huit parties.
Et que chaque partie est divisée en mini-chapitres. 
Et qu'on se répète un peu.
Forcément.
C'est pratique.
Et de loin, on dirait même de la poésie.
Forcément, ça fait bien.

Bref. Trêve de plaisanterie. Avec tout le respect que je dois à l'auteur qui a sans doute beaucoup travaillé sur un sujet qui lui tenait certainement à cœur, et au risque de me faire huer puisque visiblement ce livre suscite un engouement massif, je vais oser le dire : ce roman n'est pas bon. 
Contrairement à ce que promet la quatrième de couverture, à savoir un « portrait saisissant », j'ai trouvé ce portrait bien fade. On n'a pratiquement aucune description de la peinture de Charlotte, qui a pourtant séduit l'auteur. Pourquoi ? Parce que c'est difficile de décrire une peinture, surtout quand elle nous a marquée ? Peut-être bien. Je trouve tout cela bien dommage. 

Le style détaché, très haché, ne m'a pas permis d'apprécier les personnages, de les sentir vivre à travers le récit. Après la lecture de ce roman, je n'ai pas l'impression de connaître Charlotte ; elle n'aura malheureusement pas marqué mon esprit à travers le récit de Foenkinos... Malgré son destin horriblement tragique. C'est quand même dommage, ça aussi. 

De plus, la vie de Charlotte est sans cesse interrompue par des explications de l'auteur sur ses recherches, il raconte où il est allé et comment il a retracé la vie de Charlotte pour son roman... comme ça, sans prévenir, au beau milieu du récit. Aucun intérêt pour le roman. Cela « entrecoupe » la narration, déjà suffisamment hachée par la forme. Et ça fait un peu prétentieux, disons-le. Il aurait pu, si vraiment il y tenait, ajouter des notes sur ses recherches à la fin du livre. Mais non, il s'introduit dans la vie de Charlotte, à tout instant.

Et, pour finir, parlons du thème principal de ce roman : la Shoah. Le devoir de mémoire est important, c'est certain. Mais là, on a une impression de déjà lu, une platitude énervante sur le sujet. Du convenu.

Je me demande une fois de plus sur quels critères on attribue des prix littéraires... Il y a quand même eu des productions bien plus dignes d'un prix en 2014, non ?




 3/6 pour le challenge « Prix littéraires »
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