lundi 25 mai 2015

Aventures de Huckleberry Finn, de Mark Twain

Éditeur : Éditions Tristram (2013) pour la nouvelle traduction de Bernard Hœpffner / Éditions Penguin (entre autres) pour la version originale

Titre original : Adventures of Huckleberry Finn (anglais américain)

Première publication :1884
 
Nombre de pages : 435 en français (traduction et édition citée plus haute) / 326 pages en anglais (chez Penguin)


Quatrième de couverture (version française, édition mentionnée ci-dessus)

Huck Finn, le camarade vagabond de Tom Sawyer, est retenu prisonnier par son père ivrogne dans une cabane au fond des bois. Il s’échappe, se réfugie sur l’île Jackson, où il retrouve Jim, l’esclave en fuite de miss Watson. Avides d’aventures et de liberté, tous deux commencent à descendre le Mississippi sur un radeau. Mais à chaque étape du voyage, toutes sortes d’événements surviennent qui obligeront Huck à prendre de graves décisions... Sa découverte, en Jim, d’un être humain semblable à lui marque une date dans l’éveil de la conscience anti-raciste aux États-Unis.

Mark Twain (1835-1910) est l’un des auteurs les plus importants de toute la littérature américaine. Pionnier d’une écriture « spontanée », il a introduit le langage parlé dans l’écrit. Comme l’a dit Ernest Hemingway : « Avant, il n’y avait rien. Depuis, on n’a rien fait d’aussi bien. » 

Son chef-d’œuvre, Aventures de Huckleberry Finn, a été classé par le magazine Time (au terme d’une enquête menée auprès de 125 auteurs anglo-saxons contemporains) parmi les « cinq plus grands romans de l’histoire ». Le plus souvent disponible dans des adaptations, tronquées, indifférentes à sa qualité d’œuvre littéraire, Huckleberry Finn n’avait jamais bénéficié en français d’une traduction qui rende justice à la saveur et à l’énergie incomparables du texte original. La version intégrale — augmentée de deux longs passages inédits — qu'en offre Bernard Hoepffner procurera à toutes les générations de lecteurs le sentiment d'un livre neuf, jamais lu sous cette forme.


Mon avis

Enfin une traduction intégrale et de qualité des Aventures de Huckleberry Finn : les lecteurs francophones vont enfin pouvoir « entendre » la véritable voix du jeune Huck ! Les traductions précédentes étaient souvent incomplètes, et surtout peu fidèles au texte original. Personnellement, ça me gêne beaucoup. D'accord, une traduction reste une « version » d'un texte, mais c'est quand même important d'y retrouver l'âme et la saveur du texte original... Pour vous en rendre compte, il vous suffit de chercher sur Internet une version PDF du roman en français : vous tomberez certainement sur celle de William Little Hughes, qui n'a strictement rien à voir avec le texte de Mark Twain (l'écriture spontanée de l'auteur a complètement disparu !) 
Bernard Hoepffner a fait un travail remarquable, d'autant plus que traduire ce roman n'est pas une tâche facile, notamment à cause du style oral de l'écriture employé par Twain dans ce roman. 
Ma curiosité de traductrice m'a poussée à faire une double lecture de ce roman : dans un premier temps, j'ai lu le livre dans sa version originale (en anglais, donc), puis comparé avec la version en français de Bernard Hoepffner, chapitre par chapitre. Je me suis même amusée à traduire certains passages en français avant de comparer mon travail avec celui de Bernard Hoepffner : un exercice très instructif ! Autre prouesse du traducteur : il a trouvé une façon habile de transcrire des dialectes qui n'ont pas d'équivalent en français et a su prendre certaines libertés quand cela s'avérait nécessaire (en inventant notamment des néologismes), ce qui rend la traduction beaucoup plus fidèle au texte original (on n'oublie jamais qu'il s'agit d'un récit rapporté par un enfant illettré !)

Bref... Parlons maintenant du livre en lui-même, et non plus de cette nouvelle traduction. Contrairement aux Aventures de Tom Sawyer, écrit quelques années plus tôt, Huckleberry Finn n'est pas typiquement un livre pour enfants. Bien qu'on y retrouve le personnage de Tom Sawyer et que Huck reste étroitement lié à Tom pour les lecteurs de Tom Sawyer, Huckleberry Finn s'adresse plutôt à des adolescents et des adultes. Certaines scènes sont tout de même assez dures ou effrayantes pour des enfants (la violence et l'alcoolisme du père de Huck, le tonneau qui hante le fleuve, etc.), le vocabulaire fluvial peut parfois les gêner pour la compréhension de certains passages. De plus, je pense que certaines longueurs dans le texte risquent de décourager les plus jeunes : il ne s'agit pas d'un roman picaresque où le héros enchaîne les aventures. 
Il y a un fil conducteur « physique » (le Mississippi), et un fil conducteur « moral », un but (libérer Jim de l'esclavage, et, pour Huck, trouver sa propre liberté). Huck est un enfant attachant, même si c'est un véritable petit anarchiste : il ne supporte pas la société dans laquelle il vit et refuse de s'y intégrer. Pourtant, sous ses airs de petit vagabond indomptable, il sait faire le bien autour de lui, et n'approuve pas les mauvaises actions de ses compagnons de route (deux escrocs sans scrupules). Il est juste, et se fie à ses instincts. Il est futé mais il ne sait pas vraiment mentir et éprouve parfois des remords lorsqu'il ment par nécessité, il s'emmêle souvent les pinceaux dans ses propres mensonges. Il est l'incarnation même de la liberté, grand thème de ce roman : même lorsqu'il pourrait se laisser adopter, il refuse, il ne supporte pas la société « civilisée » et ne tient jamais en place. Ce n'est pas un profiteur, et il se contente de peu pourvu qu'il soit libre. Même quand on a terminé le roman, on l'imagine très bien parcourant l'Amérique toute sa vie...

Ce qui est important de noter à propos de ce roman, c'est qu'il a bouleversé la littérature américaine : c'était la première fois qu'on lisait un roman écrit sous cette forme « orale », la première fois que quelqu'un écrivait en faisant parler les noirs... comme des noirs. Mark Twain ne connaissait sans doute pas grand-chose d'eux, mais il savait les écouter parler et c'est ainsi qu'il a retranscrit leur façon de parler dans son roman : Jim, et les autres noirs du roman, parlent comme Twain les entendait parler. Cela peut paraître banal aujourd'hui, mais c'était une première à l'époque de Twain : il a révolutionné l'écriture et la littérature américaine, ce qui ne lui a pas attiré que des éloges, évidemment. (Remarque : cette « écriture spontanée » n'apparaîtra en France qu'au XXe siècle , avec Queneau et Céline...)

En conclusion : un roman unique, et un incroyable voyage sur le Mississippi, au cœur de l'Amérique du XIXe siècle en compagnie de personnages inoubliables.





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