samedi 20 juin 2015

De la critique littéraire chez les blogeurs

Depuis quelque temps, je vois régulièrement des blogueurs et/ou lecteurs prendre la mouche dès qu'ils lisent un avis négatif plus ou moins (ou pas du tout) virulent sur un autre blog au sujet d'un livre ou d'un auteur contemporain. Beaucoup de blogueurs choisissent de ne parler que des livres qu'ils ont aimé. Soit. Mais pour moi, critiquer des livres, c'est savoir dire pourquoi on a aimé un livre aussi bien que pourquoi on n'en a pas aimé un autre. Sinon, à quoi bon ? On ne peut plus donner son avis s'il est négatif ? On a juste le droit de carresser les auteurs dans le sens du poil ?
Souvent, j'évite de répondre à ce genre de publication sur Facebook ou sur les forums, parce que ça part en général dans un débat inutile, chacun reste avec ses convictions et tout finit dans des remarques pleines d'animosité, voire d'agressivité. Mais aujourd'hui, j'ai eu envie de donner mon avis sur la question, moi aussi.

Je pense qu'on a le droit de tout dire sur un livre ou un auteur du moment qu'on a de solides arguments et de bonnes raisons. C'est ce qu'on appelle la liberté d'expression. Mais donner son avis n'empêche pas de rester correct dans ses propos. C'est ce qu'on appelle le savoir-vivre. 
Tenir un blog juste pour faire la promotion des livres qu'on aime en occultant les autres, c'est un parti pris, mais pas celui de tout le monde. Personnellement, je considère la littérature comme toutes les autres formes d'art : chaque œuvre peut plaire ou déplaire, elle peut faire polémique ; elle s'inscrit dans une époque et s'adresse à un certain public, elle peut être jugée de plus ou moins bonne qualité en fonction de certains critères (généraux, qui varient d'une époque et d'une société à l'autre, et subjectifs, selon les goûts personnels du lecteur). Et certaines œuvres, dans tous les domaines, ne sont pas faites pour l'art mais pour l'argent, disons-le franchement. Ce sont des œuvres « grand public » qui existent pour des raisons commerciales, et non artistiques. Et puis, certains écrivains font un jour un chef-d’œuvre, et une fadaise le lendemain. Alors, quoi ? On ne pourra pas dire du mal de cette fadaise ?
Donc, oui, je suis désolée, mais les mauvais livres, les livres mal écrits, mal conçus, ou ennuyeux, ça existe. Cependant, tout le monde ne sera pas toujours d'accord pour dire que tel ou tel livre est mauvais, car tout dépend des critères de jugement, évidemment. Mais pourquoi n'aurait-on pas le droit d'en parler ? En tant que lecteurs et blogueurs, nous ne sommes pas des libraires chargés de faire aimer les livres de notre boutique à nos clients, nous avons justement une grande liberté qui nous permet de dire ce qu'on pense vraiment d'un livre. Et certains lecteurs-blogueurs ont suffisamment de « bagages » pour avoir le droit de penser (et de le démontrer, pourquoi pas) qu'un livre est mal écrit, de le dire sur leur espace, non ? De plus, ce que je ne comprends pas, c'est que ce ne sont pas les auteurs concernés qui s'offusquent, ce sont des lecteurs...
Il y a des lecteurs moins exigeants que d'autres au niveau de la qualité d'écriture, c'est un fait. Il y a des lecteurs qui recherchent de belles histoires, d'autres des personnages auxquels ils aiment s'identifier, d'autres encore une belle écriture vibrante et poétique, voire savante. C'est comme tout, il en faut pour tous les goûts, et la critique sert avant tout à dire pourquoi un livre est appréciable ou non, mais ça reste TOUJOURS SUBJECTIF, même si le critique est un grand professionnel reconnu. On aime ou on n'aime pas sa critique, on est d'accord ou pas avec lui. On n'est pas plus obligé de lire des critiques qu'on n'aime pas que des livres qu'on n'aime pas. Et les écrivains ne sont pas des demi-dieux à qui on doit forcément un respect quasi religieux, et surtout ne jamais dire du mal d'eux au risque que le ciel nous tombe sur la tête, nous pauvres lecteurs critiques. Il faut arrêter avec ça. Ils font tous un travail d'écriture, et on a le droit de ne pas aimer leur travail et de le dire, si l'on est capable d'expliquer pourquoi. 
Il y a des écrivains que je n'aime pas, et OUI, j'ose le dire quand l'occasion se présente, sans mauvaise foi ni agressivité toutefois, n'en déplaise à leurs adorateurs. Je ne les aime pas à cause de leurs livres mais parfois aussi à cause de certains de leurs propos ou comportements. Certains d'entre eux ne respectent pas toujours leurs lecteurs. Ce sont des gens comme les autres. En devenant plus ou moins « publics », ils s'exposent forcément à des critiques négatives. Bon, et alors ? Ils le savent, ça fait partie du marché, et ça ne les empêche pas d'exister et de continuer à écrire. Et je ne pense pas qu'un auteur se vexerait parce qu'untel a dit que son livre n'était pas bien. Ce n'est qu'un avis parmi d'autres.

samedi 13 juin 2015

La confession de Claude, d'Émile Zola

Éditeur : Le livre de Poche (collection Les Classiques de Poche), édition avec dossier, notes et introduction de François-Marie Mourad
Première publication :1865
Nombre de pages : 312
Genre :  roman

Quatrième de couverture

« Cette histoire est nue et vraie jusqu’à la crudité. Les délicats se révolteront. Je n’ai pas pensé devoir retrancher une ligne, certain que ces pages sont l’expression complète d’un cœur dans lequel il y a plus de lumière que d’ombre. Elles ont été écrites par un enfant nerveux et aimant qui s’est donné entier, avec les frissons de sa chair et les élans de son âme Elles sont la manifestation maladive d’un tempérament particulier qui a l’âpre besoin du réel et les espérances menteuses et douces du rêve. Tout le livre est là, dans la lutte entre le songe et la réalité ». C’est en ces termes que le jeune Émile Zola, inconnu du grand public, présente son premier roman, La Confession de Claude, en 1865. Longuement méditée, loin des idées reçues sur le naturalisme, cette œuvre singulière et fiévreuse incite à découvrir un autre Zola, que le succès des Rougon-Macquart ne doit pas occulter.

Mon avis

Cela faisait quelques mois que j'avais envie de découvrir le premier roman de Zola et je ne suis pas déçue. Certes, ce n'est peut-être pas le meilleur de Zola, mais c'est le roman des origines, paru peu de temps après les Contes à Ninon (un an environ), une œuvre de jeunesse d'inspiration autobiographique qui n'est pas sans intérêt. 
J'ai d'abord été surprise par la forme épistolaire du roman (et par conséquent de l'utilisation du « je » tout au long du récit), plutôt inattendue chez Zola, et devenue rare au XIXe siècle. Mais on comprend très vite la nécessité de cette forme, puisqu'en réalité, le personnage de Claude, bien que fictif, est apparenté à Zola lui-même, et que les lettres qui constituent le récit, écrites par Claude à ses « frères », se réfèrent à une correspondance réelle entre Zola et ses deux amis à qui ce roman est dédié (P. Cézanne et J.-B. Baille).
Même si La confession de Claude n'a pas l'envergure d'un roman de la série des Rougon-Macquart, l'écriture est tout aussi belle ; une poésie bien à lui envahit malgré tout le pessimisme qui se dégage du texte, et on y trouve déjà la passion du futur maître du naturalisme pour la psychologie de ses personnages et son attirance vers les aspects les plus sombres de la condition humaine. À travers ce texte et le personnage de Claude se profile un jeune Zola idéaliste, plutôt naïf, que l'on ne soupçonne pas tant dans les œuvres postérieures.
Ce roman n'avait pas été réédité depuis des années, et cette édition avec dossier, enrichie de notes utiles et d'une introduction très intéressante, est bien pensée.

mardi 9 juin 2015

Un tout petit rien, de Camille Anseaume

Éditeur : Pocket (2015)
Première publication : mars 2014 (éditions Kero)
Nombre de pages : 284
Genre : roman


Quatrième de couverture

À tout juste 25 ans, Camille tombe enceinte. Alors que son amant claque la porte, elle décide de garder l’enfant malgré tout.
Loin de se douter des difficultés qui l’attendent, elle entame un parcours du combattant vers la maternité. Faire accepter son choix à ses parents, assimiler les changements de son corps et affronter le regard des autres, entre doutes et peurs, le chemin de cette future mère célibataire s’annonce complexe. Et sans garantie de trouver, au bout du compte, la certitude d’avoir fait ou pas, le bon choix.


Mon avis 

Camille Anseaume est journaliste et blogueuse, et on le devine facilement dans ce premier roman (qui semble être en grande partie autobiographique, sans jamais le dire vraiment) : de (très) courts paragraphes, un récit très aéré, parfois quelques lignes par page, et une écriture vive, un ton juste. Le récit devient vite addictif, on a du mal à lâcher le livre et on s'attache rapidement à la narratrice.
Ce petit roman est en quelque sorte une longue lettre que la narratrice écrit à sa fille, dans laquelle elle lui raconte chaque étape de son cheminement vers la maternité, chaque pas qui l'a menée vers la certitude d'avoir fait le bon choix.  C'est l'histoire de deux naissances, celle de la mère avant celle de sa fille.
L'auteure aborde avec humour et délicatesse un sujet pourtant difficile : le choix auquel les femmes se trouvent confrontées en cas de grossesse non désirée, sans pour autant faire de son roman un plaidoyer contre l'avortement.
Une belle réflexion sur la condition des mères célibataires, le regard, l'incompréhension et le jugement des autres. Une histoire émouvante, sensible, touchante, et souvent très drôle. Une jolie petite surprise littéraire pour moi.

lundi 8 juin 2015

La princesse et le pêcheur, de Minh Tran Huy

Éditeur : Actes Sud
Première publication : 2007 (2009 pour le format poche)
Nombre de pages : 192
Genre : roman

Quatrième de couverture

Jamais un conte n'est vraiment innocent, ni tout à fait dénué de cruauté. En la personne de Nam, jeune Vietnamien depuis peu réfugié en France, la narratrice croit reconnaître le prince charmant. Ils sympathisent, se revoient, se confient, s'inventent un territoire secret. Mais quelque chose éloigne les gestes de l'amour - comme une gêne, un malentendu. A quelque temps de là, elle accompagne ses parents au Viêtnam, où ils retournent pour la première fois. Devant elle, née en France, élevée et protégée en fille unique, le rideau se déchire. Les secrets affleurent, les rencontres dévoilent les tragédies qu'ont connues les siens. Que Nam a laissées derrière lui, peut-être... Empreint d'une fausse candeur profondément mélancolique, La Princesse et le Pêcheur dessine les renoncements nécessaires de l'adolescence, le deuil de l'enfance et l'adieu au chimérique pays des origines bouleversé par l'Histoire. Ou simplement le temps. Plus violent que les contes...


Mon avis 

Une très belle découverte, que je dois à Aline qui a organisé cette lecture commune au sein du groupe facebook Tic Tac Books : merci Aline ! 
J'ai terminé ce livre hier soir et je suis encore sous le charme. C'est un beau roman à la fois tendre et nostalgique, plein de poésie, de sensibilité et de mélancolie. Une histoire d'amour, de guerre, de mémoire, d'une jeunesse déracinée à la recherche de son identité. Une histoire pleine de silences où s'entremêlent Histoire, politique, amour, fuite, famille et... contes philosophiques.
Sous la plume pleine de finesse de Minh Tran Huy jaillit la justesse des sentiments d'une jeune fille brillante mais un peu effacée, fascinée par les contes de sa grand-mère, et intriguée par le passé de sa famille, par ses racines vietnamiennes et les non-dits de ses parents qu'elle n'arrive pas à comprendre. On sent (ou en tout cas c'est mon impression) que l'auteure a mis beaucoup d'elle-même dans ce texte. D'ailleurs, elle a choisi de raconter cette histoire à la première personne. Ce n'est sans doute pas un hasard. 
Ce petit roman ouvre une porte vers un pays lointain souvent méconnu, et nous offre un peu de sa saveur, notamment à travers les différents contes qui donnent un sens encore plus profond à ce récit qui n'est pas si banal qu'il n'en a l'air.


dimanche 7 juin 2015

La vérité sur l'affaire Harry Quebert, de Joël Dicker

Éditeur : De Fallois Poche (2014)
Première publication : 2012
Nombre de pages : 859
Genre : roman policier

Résumé de l'éditeur

À New York, au printemps 2008, lorsque l'Amérique bruisse des prémices de l'élection présidentielle, Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, est dans la tourmente: il est incapable d'écrire le nouveau roman qu'il doit remettre à son éditeur d'ici quelques mois.
Le délai est près d'expirer quand soudain tout bascule pour lui : son ami et ancien professeur d'université, Harry Quebert, l'un des écrivains les plus respectés du pays, est rattrapé par son passé et se retrouve accusé d avoir assassiné, en 1975, Nola Kellergan, une jeune fille de 15 ans, avec qui il aurait eu une liaison.
Convaincu de l'innocence de Harry, Marcus abandonne tout pour se rendre dans le New Hampshire et mener son enquête. Il est rapidement dépassé par les événements : l'enquête s'enfonce et il fait l'objet de menaces. Pour innocenter Harry et sauver sa carrière d'écrivain, il doit absolument répondre à trois questions : Qui a tué Nola Kellergan ? Que s'est-il passé dans le New Hampshire à l'été 1975 ? Et comment écrit-on un roman à succès ?
Sous ses airs de thriller à l'américaine, La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert est une réflexion sur l'Amérique, sur les travers de la société moderne, sur la littérature, sur la justice et sur les médias.


Mon avis


Avis mitigé sur ce livre. J'ai à la fois aimé et pas aimé ce livre (oui, je sais, ce n'est pas logique, mais vous allez vite comprendre).

Certains aspects m'ont gênée, voire agacée, à commencer par l'histoire d'amour entre Nola et Harry, qui non seulement n'est pas crédible et affreusement mièvre (les « Harry chéri » et « Nola chérie » à foison, vraiment, c'est horripilant), mais est également malsaine (faire passer une relation entre un homme de 34 ans et une adolescente de 15 ans qui se viennent tout juste de se rencontrer pour une grande histoire d'amour, c'est même un peu douteux, je trouve). 
Tous les passages sur l'amour sont d'une niaiserie rare, ça m'a souvent agacée, mais après réflexion, je me demande si ce n'était pas volontaire de la part de l'auteur, pour faire de ces scènes justement quelque chose de peu crédible, une sorte de parodie de la romance ? 
Toutes les recommandations de Harry à son élève au sujet du métier d'écrivain (et autres conseils) m'ont aussi très vite agacée ou ennuyée, je n'y ai vu aucun intérêt.

Ensuite, les innombrables clichés sur les États-Unis (il faudra qu'on m'explique en quoi ce livre apporte « une réflexion sur l'Amérique ? ») ont fini par m'irriter également : les Américains sont divisés en deux catégories, les « mondains » New-yorkais et les « péquenauds » (je cite un terme employé dans le livre) des campagnes... Encore une sorte de parodie peut-être ? J'ai parfois eu l'impression de lire le scénario d'une série télé américaine, et je n'ai trouvé aucune réflexion subtile ou intéressante sur les États-Unis. Dommage, ce n'était pas ce que promettait l'éditeur pourtant.

Troisième point négatif : le style d'écriture, plat, qui ressemble étrangement à une mauvaise traduction de l'anglais. Mais sur ce point, je reste prudente, parce que je me demande là aussi si ce n'est pas volontaire. Le roman est truffé d'expressions et de mots calqués de l'anglais américain, de tournures qui font penser à une traduction bâclée de l'anglais vers le français, si bien que j'ai même vérifié si l'auteur était bien francophone et que je n'étais pas en train de lire une traduction sans le savoir ! Quel auteur francophone écrirait ainsi ? À mon avis, aucun. À moins d'être un écrivain influencé par une grande consommation de mauvaises traductions françaises de romans américains (peu crédible quand même), ou... de le faire exprès. D'où ma prudence quant à la critique du style. Pour en avoir le cœur net, il va falloir que je lise un autre livre de cet auteur. 
Ce style, volontaire ou non, rend toutefois le livre parfois pénible à lire, mais l'ensemble se lit tout de même vite (heureusement). Par contre, j'ai quand même relevé quelques erreurs de syntaxe et des maladresses qui ne sont sans doute pas volontaires.

Et quatrième et dernier point négatif que je relève : la longueur. Ou plutôt LES longueurs. Trop de longueurs, des dialogues souvent inutiles, parfois carrément ridicules, et surtout... beaucoup de répétitions, qui deviennent lassantes. Des passages et dialogues entiers sont répétés (au cas où le lecteur ait une mémoire de poisson ?) Je crois que ce roman aurait facilement pu faire 200 ou 300 pages de moins tout en restant aussi efficace. Il est très lent à démarrer, et j'ai commencé à vraiment m'y accrocher au bout d'environ 300 pages.

Alors, après tout ça, on bien se demander pourquoi j'ai aussi aimé ce livre... Parce que OUI, malgré toutes ces critiques plutôt négatives, il y a aussi du très bon dans ce pavé !

Le gros point positif de ce roman est sa construction. C'est un polar extrêmement bien pensé, bien construit, avec un suspense qui tient le lecteur en haleine jusqu'à la dernière page. Plus on avance dans l'intrigue, plus celle-ci s'embrouille, plus elle se complexifie, et plus on a envie de savoir. On finit par douter de tous les personnages. On va de fausses pistes en fausses pistes, de rebondissements en rebondissements, de découvertes en découvertes. L'enquête est drôlement bien menée, et c'est là tout l'intérêt du livre. Joël Dicker est un excellent scénariste. C'est pour cette raison que j'ai lu ce livre aussi rapidement (6 jours pour un pavé de plus de 850 pages), j'ai été happée par l'enquête, j'étais curieuse de savoir comment l'auteur allait s'en sortir avec tout ce méli-mélo d'intrigues et tous ces suspects. Et malgré une fin un peu tirée par les cheveux (mais ça n'a rien de surprenant pour ce genre de roman), je dirais qu'il s'en est plutôt bien sorti. 

En conclusion, cette lecture était divertissante, c'est une bonne « lecture de vacances », un bon policier, une enquête très prenante, mais pas de quoi en faire un chef-d’œuvre littéraire non plus (et je vous épargnerais mes commentaires sur les prix qu'a reçu ce livre...). 
Je vais certainement lire un autre roman de cet auteur pour me faire vraiment une idée de son œuvre et de ses talents.

lundi 1 juin 2015

D'argile et de feu, d'Océane Madeleine

Éditeur : Éditions des Busclats (2015)
Nombre de pages : 121
Genre : roman

Quatrième de couverture

« Durant des années, j'ai été un point de silence et d'immobilité. Mais ce point s'est mis en marche ce matin. Mes pieds commencent à inventer une ligne. C'est une ligne de fuite. »

Ainsi écrit Marie, jeune femme d'aujourd'hui, dans le cahier blanc. Elle y raconte sa déambulation, sa halte, l'adhérence des pieds sur le sol des chemins, sa rencontre par-delà les siècles avec l'autre Marie, Marie Prat la potière, qui savait transformer la terre dans ses mains et la cuire au feu. En ce 19
e siècle où la poterie était affaire d'hommes, elle inventait des pots et les signait avec insolence « fait par moi ».

Et c'est comme si la force vitale de Marie la potière consignée dans le cahier rouge, apprivoisait peu à peu Marie la narratrice hantée par un cauchemar d'incendie. Flamme de vie contre flammes de mort.

Océane Madelaine, céramiste et écrivain, manie les mots comme elle tourne ses pièces, avec rigueur, justesse, et la grâce de celle qui cherche la beauté de l'épure. Elle signe là son premier roman.


Mon avis

C'est l'histoire d'une fugue, d'une jeune femme qui n'arrive pas à se trouver et à vivre sa vie après un drame familial qui la hante encore ; c'est aussi l'histoire d'une quête, d'une introspection, d'une guérison et d'une renaissance. Au hasard des chemins, Marie découvre une cabane abandonnée en pleine forêt, tout près d'un petit village. Épuisée, elle s'y installe pour quelques jours, et rencontre une sorte de « guide », un homme plein de sagesse qui semble avoir tout compris d'elle et l'aidera à trouver la bonne voie. Grâce à lui et à l'histoire de « l'autre Marie », la potière qui vécut dans le village au 19e siècle, que Marie s'approprie peu à peu, la jeune femme va enfin pouvoir renaître, et vivre.  

Un beau premier roman, court mais intense, à l'écriture contemporaine et pleine de poésie, où se mêlent l'histoire de Marie, une jeune femme d'aujourd'hui, meurtrie, traumatisée, et celle d'une autre Marie, une artiste étonnamment douée pour son art, qui a laissé son empreinte dans le village et la région où elle vécut plus d'un siècle auparavant. L'une est terrorisée par le feu, élément incontrôlable et dangereux qui a détruit sa vie lorsqu'elle avait 12 ans ; l'autre vivait au quotidien avec le feu créateur, la chaleur qui transforme la terre en œuvres d'art, et s'est battue pour exercer son métier de potière auquel les femmes n'avaient pas accès.
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