lundi 20 juillet 2015

Garçon manqué, de Nina Bouraoui


Éditeur : Le livre de poche (2002)
Première publication : 2000
Nombre de pages : 188
Genre : roman

Quatrième de couverture

« Je deviens Brio. Etre la première en tout. Etre un garçon avec la grâce d’une fille. Brio pour toute l’Algérie. Brio contre toute la France. Brio contre mon corps qui me fait de la peine. Brio contre la femme qui dit : Quelle jolie petite fille. Tu t’appelles comment ? Ahmed. Sa surprise. Mon défi. Sa gêne. Ma victoire.
Je fais honte au monde entier. Je salis l’enfance. C’est un jeu pervers. C’est un jeu d’enfant. Non, je ne veux pas me marier. Non, je ne laisserai pas mes cheveux longs. Non, je ne marcherai pas comme une fille. Non, je ne suis pas française. »


Mon avis

Récit d'une enfance toujours entre-deux, ce court roman autobiographique pose la question de l'identité des enfants métisses. Nina Bouraoui est de mère bretonne et de père algérois. Elle a grandi entre deux cultures, entre deux pays. Comment se construire une identité dans cette dualité permanente ? Dans le mépris et l'incompréhension qui l'entoure en-dehors du cercle familial ? C'est même une double crise d'identité que raconte l'auteure : Algérienne ou Française ? Fille ou garçon ? Elle raconte ses souffrances, elle raconte l'Algérie des années 1970, son amitié à Alger avec Amine, l'amour qui l'unit à sa sœur, les longues absences de son père, la force de la mère, le racisme en Algérie, le racisme en France, ce sentiment de n'avoir aucune véritable nationalité. Pas vraiment Française, pas vraiment Algérienne, jamais à sa place. Elle raconte son refus de la conformité, son refus de la féminité, puis la réconciliation, enfin. 
Le roman se divise en trois parties, trois espaces, trois villes : d'abord Alger, puis Rennes, pour finir à Tripoli, là où elle se réconciliera enfin avec elle-même. Un roman court qui en dit long pourtant, dans un style piquant, un texte uniquement constitué de phrases courtes, voire très courtes, cinglantes, parfois violentes, qui se répète souvent, qui multiplie les anaphores pour donner encore plus de force à ce qu'il raconte, comme une longue litanie qui laissera une marque indélébile dans l'esprit du lecteur.

samedi 18 juillet 2015

Le Paysan parvenu, Marivaux

Éditeur : Flammarion (existe chez d'autres éditeurs, notamment Folio)
Première publication :1734-1735
Nombre de pages : 384
Genre : roman

Présentation de l'éditeur

Il n'est guère de saison théâtrale qui ne fasse une place aux comédies de Marivaux, mais sait-on bien que le dramaturge est aussi l'auteur de deux romans, La Vie de Marianne et Le Paysan parvenu (1734-1735), qui comptent parmi les chefs-d'oeuvre du roman à la première personne ? Le Paysan parvenu relate la fulgurante ascension sociale de Jacob. Issu d'une famille de vignerons de Champagne, cet homme de rien devient en sept jours un bourgeois de Paris, avant de se lancer à la conquête des titres et des biens. Les clés du succès ? Une mine sympathique, beaucoup d'esprit, un solide sens de la répartie, des intuitions toujours justes et le don de plaire aux dames du monde... Donnant la parole à un paysan, alors qu'écrire ses mémoires reste à l'époque un privilège d'aristocrate, Marivaux engage dans ce roman une réflexion de fond sur la transformation de l'homme par la société urbaine et sur la naissance de l'individu au XVIIIe siècle.  

Mon avis

Je ne connaissais Marivaux qu'en tant que dramaturge, et je dois dire que ce roman a été une belle découverte. Quel plaisir de lire cette langue du XVIIIe siècle ! Malheureusement, c'est une œuvre inachevée ; quel dommage que Marivaux n'ait pas terminé ce roman. L'histoire est divisée en huit parties, mais seules les cinq premières sont de la plume de Marivaux ; les trois dernières parties, apocryphes, sont beaucoup moins captivantes, on sent que l'auteur qui a achevé le roman a simplement voulu donner une fin à cette histoire, et celle-ci est très prévisible dès la sixième partie, les rebondissements sont bien moins nombreux, les personnages perdent de leur éclat, le style est moins riche... (mais ceci n'est que mon humble avis !)
En bref, j'ai dévoré les cinq premières parties, mais la fin m'a paru longue et moins intéressante. Ayant lu Jacques le fataliste et son maître de Diderot juste avant, j'ai pris beaucoup de plaisir à comparer ces deux lectures, même si Le paysan parvenu n'est pas un roman picaresque, ils ont de nombreux point communs. On retrouve au début du Paysan parvenu le fameux thème du valet qui a eu plusieurs maîtres, et, tout au long du roman, la critique sociale (chez Marivaux, toutes les couches de la société en prennent pour leur grade !), ainsi que l'ironie et le pouvoir de séduction de Jacques chez Jacob.
Le Paysan parvenu mériterait d'être plus connu ; c'est un roman à la première personne foisonnant, sous forme de mémoires, qui, mine de rien, nous en dit beaucoup sur l'époque de Marivaux, et au cours duquel le lecteur ne s'ennuie jamais (en ce qui concerne les cinq parties de Marivaux en tout cas).
Une lecture que je conseille à tous les amoureux de la littérature, et du XVIII siècle en particulier.





dimanche 5 juillet 2015

Jacques le fataliste et son maître, de Denis Diderot


Éditeur : Flammarion (édition avec dossier), mais il en existe de nombreuses autres
Première publication :1771
Nombre de pages : 355
Genre : roman

Présentation de l'éditeur

Deux personnages déambulent en philosophant. On ne sait qui ils sont. On ne sait d'où ils viennent. On ne sait où ils vont. Tout ce que l'on sait, c'est que l'un est le maître de l'autre. Bientôt on se demandera lequel.  
  

Mon avis

Ce roman n'en est pas vraiment un, comme ne cesse de nous le rappeler le narrateur qui bouscule toutes les conventions romanesques et qui ne cesse d'interrompre le récit pour s'adresser directement au lecteur (et même « parler » à la place du lecteur et AVEC le lecteur)
« Il est bien  évident que je ne fais pas un roman, puisque je néglige ce qu'un romancier ne manquerait pas d'employer.»
« Ceci n'est point un roman, je vous l'ai déjà dit, je crois, et je le répète encore. »
Ce texte est tout à fait singulier, entre réalité en fantaisie, entre roman picaresque et théâtre, entre conte philosophique et roman comique (c'est parfois très drôle !). 
Jacques et son maître sont en route pour une destination inconnue. On ne sait pas d'où ils viennent et ni la raison de leur voyage. On ne sait pas exactement où ni quand se déroule le récit, on ne sait pas qui sont les personnages non plus, mais quelques éléments nous permettent de deviner tout de même un peu. Et qu'importe, puisque ce récit n'est qu'un prétexte pour parodier le roman, remettre en question le rôle du romancier et du narrateur et véhiculer certaines idées pour créer une nouvelle forme de roman, un roman plus proche du « vrai » dans lequel le narrateur ne peut pas tout maîtriser ni tout savoir.

On suit donc le valet et son maître, leurs aventures et leurs conversations, au cours d'un voyage quelque part en France au XVIIIe siècle. Ils rencontrent de nombreux personnages, on nous raconte de nombreuses histoires : c'est un véritable roman à tiroirs dans lequel les récits s'enchâssent sans jamais se mêler les uns aux autres. Certains récits se font écho, d'autres se ressemblent, d'autres encore s'opposent.
Le roman semble à première vue désordonné, mais il existe bien une structure (tout se déroule sur une durée de 9 jours) et deux fils conducteurs : le voyage des deux personnages et le récit des amours de Jacques, sans cesse interrompu par de multiples digressions et événements. Cette histoire a bien un début et une (ou plusieurs !) fin(s), mais l'ensemble est brouillé par les aventures de nos deux compères, les nombreuses digressions aux voix multiples et les interventions du narrateur.



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